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Interview à voir

En création avec Hervé Guilloteau

Interview

Hervé Guilloteau fonde sa compagnie Grosse Théâtre à Nantes, en 1998, avec laquelle il crée de nombreux spectacles. Il est également interprète et, depuis 2018, auteur de théâtre.

« L’année de la pensée Yannick » c’est quoi ce titre ?

Le spectacle s’inspire librement du livre de l’autrice américaine Joan Didion L’année de la pensée magique (Éd.Grasset et Fasquelle, 2007). Elle y raconte son expérience du deuil et pose, dès les premières lignes de son récit, la question de l’apitoiement. Mais il ne s’agit en aucun cas d’un livre de conseils sur comment se guérir de l’absence, c’est d’abord un grand ouvrage d’autofiction, écrit par une star de la littérature américaine, dont le style a inspiré des auteurs comme Bret Easton Ellis dont je suis un pur fan. Ces deux-là m’ont donné beaucoup de confiance dans le fait qu’on pouvait vraiment tirer quelque chose de l’effroi et de la solitude, à commencer par écrire.

Comment est né le désir de ce spectacle ?

Grâce au livre précisément, à mon orgueil et aux vertus hallucinantes de l’écriture. Le choc avait tout oblitéré mais je savais, grâce à mes textes précédents, Tony, Des gars de l’ouest et Le nombre de bateaux ne gène pas la rivière, l’intérêt d’écrire chaque jour, coûte que coûte, même de la merde, et que quelque chose finit par arriver. After Life, la série de Ricky Gervais, qui traite aussi de deuil et d’inconsolation, m’a également beaucoup inspirée. En plus de son talent comique indiscutable, c’est assurément un des plus grands tragédiens de notre temps, j’aime tout chez ce type.

Quelle place prenait l’art dans ta jeunesse ?

Le cinéma était très important dans les années 80-90, la sortie de certains films était un réel évènement, il y avait des réalisateurs incroyables, les scandales étaient réguliers et un film pouvait vraiment changer ta vie. C’est sans doute encore le cas mais ça me plait bien de penser le contraire. Cependant à la campagne, il y avait un cinéma pour dix communes, une seule salle, et un film chaque weekend projeté un mois après sa sortie nationale. Alors jusqu’à mon départ au lycée, j’ai tout vu, de Beau-père à La mouche, en passant par Le gendarme et les gendarmettes… déçu. La musique a pris une place importante dans ma vie au début de la new wave, rarement quelque chose ne m’avait rendu aussi heureux. Littérature : rien lu avant vingt-trois ans. Beaux-arts : peintures sacrées uniquement. Mon intérêt pour le théâtre est venu très tard, un art avec lequel je nourris depuis le début une relation haine/passion inapaisable.

De quelle manière l’époque t’inspire ?

J’ai du mal à associer le présent avec le terme d’époque, qui me semble un mot plus emprunt à désigner une période du passé. Cela dit, si je me propulse dans le futur, je pense qu’on dira qu’à l’époque, en quelques scrolls, on pouvait voir un·e abruti·e qui a posté son bonhomme de neige, une marche blanche en mémoire d’un enfant victime de harcèlement, un hip-hopper ukrainien qui a pris les armes, les convictions de Beyoncé en concert à Dubaï et le teaser de L’année de la pensée Yannick d’Hervé Guilloteau, LE spectacle de la maturité et du raffinement.

Qu’est-ce qui évolue depuis la création de ton premier spectacle ?

C’est tellement mieux ce que je fais aujourd’hui, tellement plus clair, tellement plus con.

→ Propos recueillis en juin 2023