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Dossier Interview à voir

L'Ensauvagement comme mode de création

Marion Delplancke - Cie Le Marlou

Le festival IDÉAL est un espace d’hybridation entre les arts vivants, la recherche et les sciences : une zone de dialogue sensible entre artistes et chercheur·ses, entre production de savoirs et processus de créations. Quelles formes, pratiques et imaginaires peuvent s’hybrider entre la scène et les sciences ? Comment la scène peut devenir un espace où la pensée se déploie ? Un espace susceptible de composer un récit commun entre les arts vivants et les sciences ? 

À quels endroits dirais-tu que ton spectacle Petits Tréteaux d’écologie sauvage, créé au TU, joue avec cette notion d’hybridation ? 

Dès l’origine du processus, avec la création d’un labo qui a réuni différentes disciplines de recherche et de pensée autour de la question : comment raconter des histoires face au vertige de la crise écologique ? Ce premier cercle de chercheur·ses a mis en mouvement un autre type de cercle, celui des chercheur·ses « des planches » qui réagissent par l’improvisation et le travail de plateau aux questions posées. L’hybridation se pose aussi à l’endroit de la création de la compagnie créée avec ma soeur Malou qui est chercheuse en ethnobiologie et didactique des sciences. 

Comment, pour la forme spectacle de Petits tréteaux d’écologie sauvage, le thème de l’écologie vient hybrider sa conception et sa mise en scène ?

L’hybridation se pose à plusieurs endroits. De vraies questions esthétiques sont en jeu : qu’est-ce que raconter des histoires en essayant de questionner nos outils de conceptions du monde ? Comment faire de la place aux non-humains ? Je ne peux pas appliquer ce que j’ai appris sur Tchekhov ou Platon. Ces difficultés à l’écriture font partie du ressort dramaturgique. La pièce commence par un prologue qui essaye d’exposer et de construire ce problème. Ensuite, on en voit ses effets dans plusieurs vignettes, qui permettent de traiter différentes entrées. Il y a la tentative de se décentrer de l’humain ou des personnages. Ça demande de trouver en soi d’autres rapports à la sensibilité ou au jeu, d’aller explorer cet endroit métamorphique du temps des mythes où les frontières entre humanité et animalité sont rendues floues. Chercher pour l’acteur cet endroit d’ensauvagement. Une autre hybridation se pose : celui de faire du low-tech theater. Petits moyens, grands effets. Comment, en travaillant avec des matériaux assez pauvres, on peut travailler aux technologies du verbe et du jeu. Et puis une troisième hybridation touche au dispositif et à l’attention du public : on travaille en structure ouverte, sans quatrième mur. Tout ce qui va se jouer part de ce présent partagé. C’est un exercice de pensée en jeu, de pensée en acte. 

Quelles hybridations l’espace de la scène permet-il ? 

C’est un des rares espaces où l’on peut faire frictionner différentes réalités et adresses « dans le fleuve et sous le fleuve ». J’aime bien prendre cette image pour signifier les formes visibles que l’on voit sur scène mais aussi celles que l’on construit en souterrain pendant le processus. Le plateau génère cette rencontre hybride entre un matériau d’abord à plat – constitué de lectures philosophiques et de matériaux de fiction – et un groupe constitué de corps et d’imaginaires. C’est de cette rencontre que vient le relief et la polysémie de la dimension scénique. 

Hybridation : n.f. Croisement entre deux variétés, deux races d’une même espèce ou entre deux espèces différentes. 
(Larousse en ligne, s. d.)