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à penser

En création avec Sylvain Riéjou

Interview

Sylvain Riejou explore des chemins chorégraphiques sur deux espaces, l’espace réel du plateau et l’espace virtuel de la vidéo, à travers des mises en scènes ludiques de ses questionnements intimes. Avec sa nouvelle création, c’est le cinéma tout entier qui bascule sur scène et dans la danse pour mettre en mouvement les rencontres amoureuses et le rapport aux corps sensuels.

 

Qu’est-ce qui a évolué depuis ta première création ?

La vidéo qui était omniprésente dans mon premier solo s’est fait plus discrète dans le deuxième pour disparaître complètement dans cette troisième pièce. Elle a été mon partenaire de jeu pendant longtemps mais je sentais qu’il fallait la laisser de côté pour faire évoluer mon rapport au plateau, à la danse, à la dramaturgie. Pour la première fois, je convoque d’autres danseur·se·s, un homme et deux femmes, pour partager la scène avec moi. Cela me semblait indispensable pour questionner la figure du duo d’amour et le pouvoir qu’à la danse de générer de la sensualité entre les corps.

Je badine avec l’amour (parce que tous les hommes sont si imparfaits et si affreux) C’est quoi ce titre ?

Ce titre fait référence à la pièce d’Alfred de Musset On ne badine pas avec l’amour. J’ai retiré la négation car je voulais justement m’amuser avec la figure de l’amour romantique. J’ai mis la phrase à la première personne du singulier car je voulais donner mon point de vue en tant qu’homme homosexuel qui a construit sa vision de l’amour dans les années 80-90, à travers des films qui exposent des relations hétérosexuelles très normées. Pour le sous-titre, j’ai simplement accolé le début et la fin de la citation la plus connue tirée de cette pièce de théâtre : " Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuse, vaniteuses, curieuses et dépravées (…) mais s’il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de  de ces êtres si imparfaits et si affreux ".

Quelle place prenait l’art dans ta jeunesse ?

Ça dépend de ce que l’on appelle « art ». J’ai grandi dans une famille où nous écoutions des musiques, lisions des livres ou regardions des films dits populaires, souvent considérés comme du divertissement et non comme de l’art. Vaste débat… Ce que je peux dire, c’est que pendant mon enfance et mon adolescence, je n’allais pas au théâtre, je ne voyais pas d’expos et je ne regardais pas de films d’art et d’essai. J’ai découvert cela plus tard, quand je suis entré à la fac. À cette époque, l’art a pris une place centrale dans ma vie, c’est devenu quasiment obsessionnel. J’avais une soif insatiable de découvrir de nouvelles formes d’expressions artistiques.

De quelle manière l’époque t’inspire ?

Elle m’inspire parce que j’en fait partie. Le travail d’un·e artiste est indissociable de l’époque dans laquelle il·elle vit. J’aime traiter de choses intemporelles comme l’amour, les rapports de pouvoirs ou la spiritualité mais aussi de thèmes qui sont au coeur de l’actualité comme la place de l’homosexualité, les questions de genre ou le féminisme. J’espère qu’un jour ces questions ne seront plus des questions car l’égalité des droits sera acquise.

→ Propos recueillis en juin 2023