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Interview à voir

En création avec Simon Gauchet

Interview

Simon Gauchet est metteur en scène et plasticien, il dirige l’École Parallèle Imaginaire : un lieu nomade de transmission, d’expérimentation et de production, qui créé des projets dans des théâtres, des musées ou dans l’espace public qui questionnent nos capacités d’imagination, nos rituels collectifs et nos territoires.

Comment est né le désir de ce spectacle ?

Le désir de ce spectacle est né de deux événements : la rencontre avec l’écrivain et spéléologue Martin Mongin, et également le fait de recevoir par la poste un article écrit en 1989 par une journaliste française. Dans cet article, elle décrit sa rencontre avec deux anthropologues et sociologues allemands Dietmar Kamper et Ulrich Sonneman, professeurs à la Freie Universität de Berlin. En compagnie d’une trentaine de chercheur·ses, ils s’apprêtent à mener une expédition à la recherche de l’Atlantide parce qu’ils considèrent que l’engloutissement du continent disparu serait la « catastrophe initiale », la catastrophe qui fonde notre rapport la catastrophe. Ils pensent que tant que l’humanité n’aura pas retrouvé les traces de cette catastrophe première, elle sera tentée de la reproduire, d’organiser son engloutissement, comme le retour d’un refoulé enfoui dans notre inconscient collectif. L’article s’arrête quelques semaines avant leur départ. Avec l'écrivain et auteur du spectacle, Martin Mongin nous avons commencé à enquêter sur ce qu’était devenue cette expédition.
 

Comment travaillez-vous ?

Nous avons mené avec chaque personne de l’équipe des « immersions », des temps d’explorations de territoires aux limites de notre imagination, des lieux touchés par la question de l’engloutissement. Nous avons arpenté les grottes marines du cap Fréhel, mais aussi la baie du Mont Saint-Michel, pour avoir une sensation de cette mer qui se retire très loin et dévoile ce qui nous était caché. Nous avons exploré la lande de Saint-Just et dormi non loin de ses mégalithes, puis la rade de Lorient, nous avons plongé au large de l’île de Santorin, marché dans la plaine de la Crau. C’était une façon de nourrir la dramaturgie du spectacle en conviant sur scène les territoires que nous avons arpentés, ces endroits qui portent en eux une mémoire, les traces d’un passé lointain. C’est également une manière de faire de la dramaturgie avec nos pieds en marchant dans les rochers. Ces immersions sont aussi une façon d’inviter tous mes collaboteur·ices à se fabriquer une intelligence de la pièce, à vivre le processus de création comme une expédition, avec ses péripéties et ses imprévus parce que le réel fabrique en permanence de la fiction.

De quelle manière l’époque t’inspire ?

Je ne sais pas si elle m’inspire car je pense qu’elle me constitue. Elle imbibe nos corps, nos pensées, dés lors impossible de la considérer comme un sujet extérieur. On peut toutefois entrer en dialogue avec elle, avec soi, regarder d’autres époques en miroir. J’ai l’impression de vivre une époque à la fois tragique et passionnante, parce qu’on traverse un moment d’entredeux mondes.

 

→ Propos recueillis en juin 2023.