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Portrait à voir

Louis Barreau en toutes premières fois

Formé au conservatoire de la Roche-sur-Yon, Louis Barreau poursuit ses études au Trinity Laban Conservatoire of Music and Dance à Londres, où il se spécialise en différentes techniques contemporaines et classiques. En 2014, il crée à Nantes sa compagnie de danse. Il entreprend conjointement un Master de recherche en danse à l’Université Paris 8 qu’il finalise en 2016.  Il centre son travail sur la relation entre la danse et la musique, en s’intéressant particulièrement à la question de la composition et de la structure chorégraphique ;  il envisage la création chorégraphique comme une organisation du mouvement dans l’espace et le temps. Ses spectacles croisent l’abstraction formelle et mathématique à l’élan musical, vital et dynamique du mouvement.

Quel est ton premier émoi de spectateur ? 
L' une des premières choses qui me vient en tête, c’est plutôt un premier émoi d’ « auditeur ». J’ai grandi avec la musique, déjà dans le ventre de ma mère — professeure de piano — qui avait pris l’habitude de poser sur son ventre, une fois par jour à partir du septième mois, un petit dictaphone. De ce dictaphone était joué, à chaque fois, le deuxième mouvement – l’adagio – du Concerto pour piano n°23 en la majeur de Mozart. Quelque chose de ma fascination pour la musique (et aussi la répétition) a dû se cristalliser alors — je n’étais même pas né ! Ma mère aime me raconter que, plus tard, quand nous étions en voiture, je voulais entendre le Concerto pour piano n°1 de Tchaïkovski. C’est un peu comme une madeleine de Proust, quand je l’entends aujourd’hui : de très vagues souvenirs me reviennent, la voiture, ma mère, et mon coeur que je sentais battre très fort dans les moments les plus intenses, les plus dramatiques, romantiques, de cette musique si remplie d’affects. C’est sûrement cela, mon premier émoi, celui si particulier que provoque la musique dans le corps, et qui m’a très probablement amené à danser et à chorégraphier.

À quand remonte la première fois où tu as voulu être danseur ? Et chorégraphe ? 
Nous sommes un jour allés au cinéma, mes deux sœurs, mon père, ma mère et moi. J’étais petit encore, peut-être six ou sept ans, je ne sais plus trop. Le film était Billy Elliot. C’est sûrement très cliché, mais je crois que c’est à la fin de ce film que j’ai su que je voulais faire de la danse. Et puis, ce film abordait aussi la question de l’homosexualité, qui m’a permis d’observer ma propre homosexualité. C’est un peu comme si mon rapport à la danse et l’homosexualité avaient pu être légitimés par ce film. J’ai dû sentir que c’était possible, et que c’était même beau — malgré toute la violence que contient aussi ce film.
Devenir chorégraphe, je l’ai toujours voulu je crois, car j’ai longtemps dit, même petit, que je voulais être metteur en scène, créer des spectacles. Et puis j’ai oscillé plusieurs années entre le théâtre et la danse. Finalement la danse gagnait tout le temps, comme si elle me disait « C’est de toute façon moi la meilleure ! ». Je l’ai écoutée et j’ai craqué… Depuis elle ne m’a jamais lâché, et j’aime à penser que c’est la seule qui ne me lâchera jamais, quoiqu’il arrive !

LE SACRE DU PRINTEMPS, c'est le premier (et unique) titre auquel tu as pensé pour ce spectacle ? 

Oui, absolument ! Quand j’ai choisi l'œuvre musicale de Stravinsky, j’ai immédiatement su que le titre de la pièce chorégraphique serait identique. Je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi, mais c’était comme une évidence. J’ai eu quelques hésitations : est-ce que j’enlève l’article, est-ce que je le laisse… Finalement j’ai tout laissé !
C’est difficile de savoir les raisons de ce choix, peut-être tout simplement car ça n’était pas un choix, c’était LE SACRE DU PRINTEMPS (que j’ai écrit en majuscule, comme toutes mes créations jusqu’à présent), et c’est tout.

La première date d'un spectacle, ça met dans quel état ? 
Je ne sais pas dire si une première met dans un état particulier, car cela peut tellement varier en fonction des pièces et des contextes. Ce qui est sûr, c’est que, en ce qui me concerne, c’est en général un état plutôt très désagréable, avec beaucoup d’émotions fortes qui sont difficiles à gérer, et un trac monstrueux qui me donne toujours envie de disparaître.  Quand je ne danse pas dans la pièce et que je suis à l’extérieur, c’est une place que je trouve encore plus angoissante à vivre : je suis là, derrière la régie, la bouche toute sèche et le corps tout crispé, et je sais que, quoiqu’il se passe, je ne pourrai rien faire. Cela est à la fois très inquiétant mais aussi très beau, car c’est le moment où je me dis que tout cela, en quelque sorte, « ne m’appartient plus ». Ce sont en effet les danseurs·euses, l’équipe technique, l’ensemble des collaborateurs·rices en fait, qui sont en charge de tout ce qui se déroule, et je suis heureux qu’ils et elles soient là, de leur faire confiance, de sentir qu’ils et elles portent le projet, en faisant de leur mieux.

 

LE SACRE DU PRINTEMPS | Louis Barreau  - 7 et 8 mars 22
En coréalisation avec La Soufflerie à Rezé