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à penser

En création avec Laurent Cebe

Interview

Le travail de Laurent Cebe s’articule entre création chorégraphique et pratique du dessin. Depuis 2020, le chorégraphe nantais, en complicité étroite avec le TU, se lance dans un projet au long cours qui articule une recherche sur les liens entre danse et arts visuels, une création avec les habitant·es du quartier Nantes Nord et la création de 6 solis, matières du spectacle MOCHE, créé au TU dans le cadre du festival Trajectoires.

«Moche», c’est quoi ce titre ?

C’est un titre drôle mais aussi politique, un peu manifeste et qui vient parler de ma démarche de chorégraphe. Certains passages d’un super livre de Alice Pfeiffer Le Goût du Moche pourraient très bien traduire ou décrire ce qui peut m’intéresser en nommant ce projet ainsi.Il permet d’instaurer un dialogue avec le.la spectateur·ice autour des enjeux esthétiques de la danse, d’aborder des sujets de société actuels sur la représentation des corps, du travail. De se poser la question collectivement de qui décide le beau et de pourquoi c’est important de le questionner. Dans cette pièce, on ne choisit pas de jouer à être moche ou d’en faire du second degré. L’idée c’est d'explorer des zones très fines de décalage et de travailler avec les accidents, les imperfections, les attentes en faisant le pari que cela nous relie, spectateur·ices et danseur·euses.

Comment travailles-tu ?

Je travaille avec l’idée qu’il n’y aura jamais de première représentation, imaginant que nous proposons une création qui s’accomplit, commence dans la relation avec celui ou celle qui la regarde. La forme collective de MOCHE sera créée en quinze jours et rassemblera six danseur·euses, un musicien et un régisseur. En vérité, le processus de travail a été beaucoup plus long. Le projet MOCHE a commencé en 2021 et s’est articulé autour de la création d’un solo pour chacun·e des danseur·euses. À travers la création d’une pièce graphique et chorégraphique, j’ai invité chacun·e des interprètes à réaliser un dessin de 5x7 mètres présent lors des représentations pour trouver sa propre gestuelle et définir ce qu’il·elle souhaite partager avec les spectateur·ices. Chaque solo a ensuite été diffusé, les interprètes jouant leur partition dans des contextes différents, entre cinq et dix représentations. C’est fort de cette expérience que la création collective commence. Fort de l’expérience que chacun·e des danseur·euses a accumulé depuis 2021. Nous allons nous transmettre nos danses, apprendre de l’autre, de son expérience, de sa singularité et tenter d’en faire quelque chose de commun et de puissant. Le dessin, quant à lui, passera du format de 5x7 mètres à 30x7 mètres. Les spectateurs seront assis autour.

Qu’est ce qui évolue depuis la création de ton premier spectacle ?

J’ai le sentiment de m’affirmer tout en ayant les mêmes préoccupations. Avec MOCHE c’est la première fois que je créé sans autre idée que de proposer à des interprètes un processus qui associe le dessin. C’est la première fois que j’associe autant un musicien dans une création, à tel point qu’il en devient tout autant l’auteur. J’ai envie d’assumer plus fort mon envie d’une forme performative puissante et émotionnelle simple et sans trop d’artifice autour des corps dansants devant des spectateurs partageant de l’intime, de l’imaginaire et des sensations.  Ce qui n’a pas changé c’est mon désir d’explorer une forme de sincérité du geste. De vouloir créer du dialogue et de ne pas craindre la légèreté, de l’absurde, de l’abstrait. Mon intérêt aussi pour des formes spectaculaires intermédias, c’est-à-dire qui associent d’autres champs tel que les arts visuels, graphiques, la musique comme des éléments tout aussi importants que le geste dansé.  

→ Propos recueillis en juin 2023