« Je suis chorégraphe ; mais j’ai souvent besoin d’autres éléments que le corps pour m’exprimer. La danse n’est pas le langage le plus explicite pour exprimer des choses. Mais sa poésie est redoutablement efficace. »
En plein monde d’avant, en plein confinement et en pleine transition, Éli Lécuru enfonce, pendant quatre représentations, la porte du monde de la danse avec classe et fracas. Ils sont peu nombreux à assister au braquage. Mais tous s’en souviennent. Et certains prennent une claque.
Pourtant, cette claque, Éli Lécuru n’aurait jamais dû la donner. Ou pas tout à fait.
En effet, il ne vient pas de cet endroit ; mais du théâtre.
« À 6 ans, j’intègre un cours de théâtre et globalement, je n’ai pas arrêté. »
Jusqu’au soir où il assiste à Publique, le spectacle de Mathilde Monnier sur une musique de PJ Harvey.
J’ai 19 ans et c’est une révolution. Je suis ultra impacté. C’est plus fort que le théâtre. Mais c’est aussi un moment douloureux car je sais que je ne serai jamais à cette place-là. C’est trop tard. Alors oui, au théâtre, j’aime bien jouer. Mais ça me prend la tête. Je n’ai pas envie de message. Je vois désormais tout en danse. Même si le mot est horrible, je la vois comme une forme de rééducation. D’une certaine manière, la danse me répare.
À travers elle, Éli cherche et place le curseur au bon endroit.
« J’ai développé une pratique somatique afin de mieux comprendre comment je bouge, mieux ressentir mon corps. »
La performance entre alors dans la danse.
« C’est une partie importante de ma vie. » Il y a d’abord eu Orphice et Eurydée, « une performance dansée où je danse, où je parle ». Et puis donc, Entering, « ma carte de visite en tant que chorégraphe. La première inspiration de cette pièce, ce sont les singes macaques japonais. J’ai vu un documentaire où une caméra les suivait partout. On avait l’impression que ces singes étaient des personnes allant au spa. Pendant un an, j’ai créé un vocabulaire à partir de ces images. Je suis parti hyper loin. Entering, première pièce chorégraphique, est née sur ce rapport entre humain et non humain. Je suis arrivé en mode pirate en sortant de nulle part. »
Avec le recul, à la veille de présenter HIPPO.CAMP, Éli Lécuru met un point final à Entering.
« La forme était trop méditative, pas assez évidente. Et il y avait beaucoup d’inspirations anthropologiques, une forme d’appropriation culturelle. »
Aujourd’hui, Éli Lécuru revient en groupe, en compagnie d’interprètes queer.
J’ai envie que nous soyons visibles et c’est donc à nous de faire le boulot. Même s’il n’y a pas de messages à proprement parlé ; j’assume ce positionnement politique. Hippo.Camp s’articule autour du rituel de la transformation. Je ne suis pas au plateau. Je veux que cette pièce soit une aventure, une rencontre entre le milieu queer et un chemin collectif et politique.
À l’écouter parler cash, nous sommes déjà prêts à tendre l’autre joue…
Texte : Arnaud Bénureau, déc. 2024
À découvrir
- Festival TRAJECTOIRES
HIPPO.CAMP
Éli Lécuru – Cie MEROUx
Jeu. 16.01 – 21h00
Ven. 17.01 – 21h00
Avec une joie nécessaire, HIPPO.CAMP est un hommage dansé à tout ce qui pourra nous sauver : les hippocampes, le grotesque, les danses en rondes et les cartes prémonitoires du tarot de Marseille.