4 questions fauves à Pauline Auzuret


Membre du collectif EALF (En Attendant La Foudre), un groupe de jeunes créateur.ice.s, Pauline Auzuret est la metteuse en scène de la pièce Quatre actrices et les autres, que l’on pourra retrouver à l’occasion du festival Fauves.

Pour être aussi talentueuse que ceux que j’admirais, fallait-il ouvrir la porte d’une noirceur insoupçonnée ? Celle d’une artiste à fleur de vie, à fleur de peau qui devrait alors funambuler entre son talent et son bonheur ?

-Pauline Auzuret


Qu’est ce qui te donne de la force dans ton travail ? 


Le théâtre est une science du présent or c’est souvent derrière ce temps là qu’on court. Au théâtre, c’est apprendre ou se rappeler comment vivre au présent, comment vivre à plusieurs, comment vivre avec communication et empathie. Sur scène, on ne peut pas juger un autre : on peut le haïr, l’adorer, le craindre, le sublimer mais aucune humanité n’y trouve pas sa place. Je trouve la force dans ce travail car ce travail donne un peu de sens à un monde en ruines, en feu et en guerres. C’est par le fait de faire poésie ensemble, par ces nano-instants de beauté et surtout d’humanité, que travailler au théâtre stimule le sens de vivre.


Quelle(s) force(s) ou quels pouvoirs puises-tu dans l’art vivant ? 


Il y a quelques jours, un ami – metteur en scène, lui aussi – m’a dit : je crois au talent. J’ai tiqué : cela faisait longtemps que je ne croyais plus au talent. Du moins, je ne voulais plus y croire, trouvant sûrement cela prétentieux, paresseux et limitant. Il m’a alors répondu : tu as une mauvaise image du talent, le talent peut être collectif. Je crois que c’est cette force là que j’admire par-dessus tout dans l’art vivant, c’est ce talent collectif. Au-delà de celui d’une troupe qui œuvre à créer un imaginaire le temps d’une représentation, c’est l’alliance d’un lieu, de comédien.ne.s, de technicien.ne.s, d’un public : c’est ce talent collectif qu’il s’agit d’entretenir.


Qu’est-ce qui t’inspire chez ta génération ? 


Je trouve notre génération belle dans sa sensibilité. Bien sûr, elle la doit à un contexte de surexposition aux violences, aux images mais aussi une véritable prise de conscience de son propre sensible. C’est une génération qui a pour but de retrouver du sens, de la nécessité. Cette génération m’inspire dans sa tentative de déconstruction des patterns d’injustices sociales, raciales, sexistes : elle interroge les dominations qui jonchent notre système social et ce par quoi elle a toujours été biberonnée.


Quel a été le point de départ de ce spectacle ?


Mon obsession commença avec Patrick Dewaere. À douze ans, j’apprends en regardant Série noire avec ma mère que l’acteur s’est suicidé d’une balle de carabine dans la bouche. Je bloque sur cette information. Dewaere n’est que le début d’une lignée d’artistes en souffrance que j’ai pris en fascination. Ces figures que j’ai admirées sont des mythes et, la douleur fait intrinsèquement partie de leur mythologie. La souffrance est inhérente à leur mystification. On a vu Dalida s’effondrer devant Ciao Amore Ciao, on a vu Britney Spears se raser la tête. On a vu ces hommes et femmes souffrir publiquement et cela m’a hanté. Prenant plus tard la voie d’une carrière artistique, je m’interrogeais sur ces lubies d’adolescente triste. Pour être aussi talentueuse que ceux que j’admirais, fallait-il ouvrir la porte d’une noirceur insoupçonnée ? Celle d’une artiste à fleur de vie, à fleur de peau qui devrait alors funambuler entre son talent et son bonheur ?

-> Propos recueillis en août 2025

À découvrir pendant Fauves…


  • Festival FAUVES

Évènement terminé

Quatre actrices et les autres

Collectif EALF

Mer. 08.10 – 18h30

Quatre actrices-chercheuses se questionnent autour de la figure de la femme suicidée dans l’Histoire de l’art. Elles s‘en tiennent à ce corpus : Sylvia Plath, Dalida, Sarah Kaneet Romy Schneider.

3 questions à Quentin Ellias

« Quand ça déborde, il faut que ça sorte quelque part. Moi c’est sur scène. »

4 questions fauves à Iris Gravemaker

« L’art créé des mondes parallèles dans lesquels nous plongeons, jusqu’à arriver dans un univers inconnu. »

3 questions fauves à Elsa Thomas

« L’art vivant est l’unique endroit où, en tant que scénariste, je peux donner réellement rendez-vous à mes personnages »