Danseuse et chorégraphe, Léa Vinette développe son travail entre Nantes et Bruxelles depuis 2020. Son travail chorégraphique allie une physicalité viscérale et charnelle avec une écriture sensible. Elle revient au TU avec sa dernière création, Éclats.

Pour moi, la danse permet de résister à la simplification, au besoin de mettre les choses dans une case. Elle laisse vivre l’inconfort, la transformation, l’imprévu. C’est une résistance sensible, qui passe par les corps, leurs rythmes et leurs vibrations, en interaction avec la lumière, la musique, et le public.
-Léa Vinette
Quel a été le point de départ de ce spectacle ?
Le point de départ d’Éclats est le désir de mettre plusieurs corps en jeu, dans un trio, et de questionner ce que signifie être ensemble : se porter, se contrarier, s’accorder. Le travail avec les danseurs Daniel Barkan et Vincent Dupuy me permet de prolonger mon langage chorégraphique à travers eux. Leurs présences, leurs qualités et leurs réponses nourrissent ma recherche, et m’aident à construire un équilibre entre mon écriture singulière et leurs identités fortes.
J’avais aussi envie d’explorer le rapport au rythme : ce groove qui nous traverse, qu’on choisit de contenir ou de laisser déborder, qui se vit de l’intérieur ou se projette vers l’extérieur, parfois avec la musique, parfois à contre-courant. J’ai donc choisi assez tot de travailler avec les percussions comme base musicale pour Éclats.
En continuité avec Nox, qui évoquait la première nuit, Éclats se place dans la nuit cyclique, celle qu’on retrouve chaque jour et cherche à partager l’élan qui précède la nuit. Ce moment fragile et vibrant, où la fatigue se mélange à l’excitation, où le rêve frôle le réel m’inspire une écriture faite de fragments et de répétitions : des éclats d’imaginaires qui surgissent, disparaissent, se transforment. C’est une vitalité qu’on s’autorise, un plaisir à partager ensemble, avec le public.
Si ce spectacle était un remède, de quoi ou de qui prendrait-il soin ?
Il prendrait soin de nos contradictions : le désir d’être ensemble et celui de rester dans son monde, l’envie de lâcher et celle de tenir. Éclats ouvre un espace où ces tensions ne cherchent pas à se résoudre, mais à coexister. Peut-être que ce soin-là, c’est d’accueillir l’élasticité entre résistance et abandon, d’accepter d’être traversé — parfois par le débordement, parfois par un mouvement plus intime, venu de l’intérieur.
Une autre manière de voir ce soin, c’est de prendre conscience que la danse n’existe pas seulement “en nous”, mais dans la relation avec ce qui nous entoure : les autres corps, la lumière, l’air, le sol, la musique. Danser, c’est finalement danser avec toutes ces présences.
Quels espaces de résistance permettent la fiction / l’art ?
Pour moi, la danse permet de résister à la simplification, au besoin de mettre les choses dans une case. Elle laisse vivre l’inconfort, la transformation, l’imprévu. C’est une résistance sensible, qui passe par les corps, leurs rythmes et leurs vibrations, en interaction avec la lumière, la musique, et le public. Je crois que c’est aussi une résistance à vivre les choses à distance et individuellement souvent désincarné par la technologie. Le spectacle est un moment collectif où chacun traverse un temps en dialogue avec ses sensations.
Qu’est-ce qui te pousse à créer un spectacle ?
Ce qui me pousse, c’est la vitalité qui palpite dans le corps. Créer, c’est donner forme à cette énergie, la partager, lui offrir un espace de résonance. C’est une manière de chercher des figures et des états qui nous traversent et de voir comment ils se transforment dans le mouvement, comment ils trouvent un langage à travers la danse.
-> Propos recueillis en août 2025



© Simon van der Zande
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4 questions à Léa Vinette