3 questions à Bryan Campbell


La saison 24-25 marque les 30 ans du TU, l’occasion d’inviter les artistes de la saison à répondre à quelques questions sur les générations et la régénération ! À nos futurs !

Performeur, Bryan Campbell mêle chant, texte, image et chorégraphie dans ses oeuvres. Dans sa pièce Deep cuts, il s’inspire du format de la pastorale pour parler d’arbre, de BDSM et surtout de nos lien à notre écosystème.

Imaginer l’avenir me donne souvent hâte du moment où le présent deviendra le passé, quand il aura la patine d’un souvenir, quand les malheurs passagers seront oubliés et les malheurs importants seront les choses qui m’auront construit.

Bryan Campbell

Ta première relation à l’art, c’était quoi ? Comment ?

Bryan Campbell : Je crois pouvoir me souvenir de la première oeuvre d’art que j’ai créée. Je devais avoir trois ans. J’étais dans la garage de notre maison, et j’ai trouvé un entonnoir, que j’ai ensuite trempé dans de l’huile de moteur. J’ai fait un dessin en tamponnant le rebord de l’entonnoir sur le mur blanc du garage, un motif de cercles avec des ruissellements d’huile. En le découvrant, ma mère était énervée de voir que j’ai joué avec une substance toxique. Ce dessin est resté dans le garage pour les décennies suivantes et à chaque fois que je l’ai vu, je me suis dit “j’ai fait ça.” Quand j’avais 20 ans, je rêvais souvent de trouver une manière de l’exposer. 

On a vendu cette maison et je suis passé devant il y a deux ans. Il y avait un enfant d’à peu près trois ans dans le jardin. La maison avait l’air mieux entretenue que quand nous y vivions, il y avait un drapeau états-unien devant , je me suis demandé si c’était une famille de droite.

Je ne sais pas si le dessin existe encore, peut-être qu’il est sous des couches de peinture. 


Quelles mutations, quelles transitions sont nécessaires pour toi ?

Bryan : J’aimerais savoir quand il faut se saisir d’un conflit et quand il faut le laisser passer. J’aimerais que les luttes politiques, qu’elles soient écologiques, identitaires, juridiques, se résument moins en établissement d’une hiérarchie entre allié·es privilegié·es et plus dans des actions qui servent réellement les causes et les personnes précarisées.

J’aimerais dédier plus de temps à peindre mes ongles.


Comment tu imagines le TU dans 30 ans, en 2054 ?

Bryan Campbell : Quand j’imagine le TU dans 30 ans, je pense tout de suite à ce qui sera resté de 2024. Une cafetière qui marche toujours très bien, et qui à une esthétique tellement 2020s. Un coin de parquet dans la salle de répétition, sous le radiateur, qui aura survécu à deux rénovations. Une personne qui a vu un spectacle en 2024 et s’en souviendra quand elle repasse à Nantes pour célébrer la retraite d’une copine d’université. Imaginer l’avenir me donne souvent hâte du moment où le présent deviendra le passé, quand il aura la patine d’un souvenir, quand les malheurs passagers seront oubliés et les malheurs importants seront les choses qui m’auront construit. 

-> Propos recueillis en novembre 2024.

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