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Portrait à voir

Qui-es TU, Marion Thomas ?

Portrait d'un premier spectacle

À l’heure de la rencontre, Marion Thomas plante immédiatement le décor, histoire de ne pas perdre de temps. Non pas dans celui que la performeuse nous consacre. Mais dans sa vie. La Nantaise d’adoption sait où elle va. Et la jeune femme ne cessera, tout au long de l’entretien, de nous embarquer avec passion dans son monde, ses questionnements, ses doutes, son énergie communicative. «Je suis née à Évry, en région parisienne et j'ai passé les dix-sept premières années de ma vie en HLM. Ça a son importance parce que ça fait de moi une transfuge de classe, avec tout ce que ça charrie de manque de confiance en soi. C'est aussi à ce moment-là que mon histoire d'amour avec les jeux vidéo et internet est née. »

La bascule commence à opérer à 6 ans. « J’étais une fille super timide. Je ne parlais vraiment pas beaucoup. Ma mère m'a emmenée voir un psy, qui lui a conseillé de m'inscrire à un cours de théâtre. Et là, c’est une révélation. J'adore me retrouver sur scène, j'adore incarner un personnage, l'ambiance et les applaudissements bien sûr.»
Pourtant, à l’adolescence, celle qui aujourd’hui, « convoque l’avenir » dans Nous sommes les amazones du futur quitte les planches. « Pendant très longtemps, je ne m'imaginais pas faire ce métier, je ne me sentais pas assez légitime. Je suis entrée à la fac à Nantes, en lettres modernes, je passais beaucoup de temps au TU. Et tout est allé progressivement. J'ai travaillé un temps derrière le bar du TU, avec Maxime Devige, avec qui je fais toujours du théâtre aujourd'hui, on a monté notre compagnie étudiante. Notre désir, c'était de mettre la pop culture et les jeux vidéo sur un plateau parce qu'on ne retrouvait pas nos références et notre univers dans les pièces qu'on allait voir. Et puis à 27 ans, donc en fait assez tard, j'ai été acceptée en master mise en scène à la Manufacture - Haute école des arts de la scène à Lausanne. Je me suis donc exilée pendant 3 ans en Suisse. À peu près en même temps, j'ai commencé à m'intéresser vraiment au féminisme et ça a été un soulagement pour moi parce que ça m'a aidé à maîtriser ma colère, à en faire une force d'impact.», nous explique-t-elle depuis Lyon où elle est en résidence pour son coup d’après, un projet autour de VRChat, un réseau social en réalité virtuelle. Car oui, la jeune artiste se passionne pour une multitude de choses, toujours à fond. « Je lis énormément, sur plein de sujets différents, et le théâtre c'est un peu mon moyen d'inoculer le virus aux autres. Ce que je cherche c'est des points de vue spécifiques, des récits hyper-subjectifs qui permettent de complexifier les évidences, les grandes vérités. J'essaie de poser mes tripes sur le plateau, je n'aime pas le théâtre quand c'est trop maîtrisé.» Avec Nous sommes les amazones du futur, Marion Thomas opère un bond dans le temps. Nous sommes en 2050, un choix pas anodin puisqu'il s'agit d'une date butoir pour le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat. « Dans ce spectacle j'essaie d'imaginer un futur joyeux et créatif malgré les catastrophes qui s'annoncent. Un récit qui s'inscrit quelque part entre les deux grands pôles qui dominent les imaginaires aujourd'hui: les villes grises et dystopiques ou l'osmose avec la nature. Et beaucoup de savoir. «À l’intérieur du spectacle, il y a des références scientifiques et historiques, des ressources que j'ai accumulées et qui m'aident à être plus optimiste.» Les fondations sont solides. Le fond de jeu écologique, politique et poétique de Marion Thomas, idem. Avec la jeune femme, le futur s’écrit au plateau et au présent.

 

Texte : Arnaud Bénureau