Journal de bord de la Recherche, Ep.2


MiMi – Ep. 2

Depuis 2018, le TU est partenaire du groupe de réflexion  ImagiMer et du projet MIMI (UN/ Ifremer)  qui regroupe un ensemble de chercheur·euses – sciences de la pêche, sociologie, biologie, économie, , océanographie, géographie – des professionnels de la pêche et des artistes autour d’un thème commun : les imaginaires de la mer et leurs relations aux sciences. Marion Thomas est comédienne et metteuse en scène, elle est associée à ce projet, elle nous livre ici le deuxième épisode de son journal de bord. 

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Un autre jour, une autre salle, un autre groupe, plus restreint cette fois.

Pendant cette réunion, l’équipe de scientifiques pilotée par Stéphanie et Sophie, respectivement halieute à l’IFREMER et économiste à l’université de Nantes, nous présente le projet : MIMI. Pour Modèles, IMaginaires et Incertitudes, avec le sous-titre : Partager les représentations, les connaissances et les incertitudes du socio-écosystème pour identifier et créer des supports de communication pertinents des scénarios d’évolution des socio-écosystèmes marins issus de modèles complexes.
De quoi MIMI est-il le nom ? De notre but, de notre groupe hétéroclite toujours composé d’artistes et de chercheurs, de l’aventure dans laquelle nous embarquons. J’aime les métaphores. Les métaphores ont la qualité de structurer la narration en attirant l’attention sur certaines choses.

MIMI. J’ai d’abord pensé à un pod de cachalots (c’est comme ça qu’on appelle les groupes de ces merveilleux mammifères), puis à un grand bateau sur une mer calme. Ce qu’il y a de bien avec un grand bateau, c’est que c’est un petit écosystème d’êtres humains. Sur un bateau, il y a un équipage hétéroclite de personnes, avec chacune des compétences et une fonction différente mais qui travaillent de concert pour faire fonctionner l’ensemble. On pourrait dire que MIMI est le nom de notre bateau métaphorique. On ne peut pas piloter un grand bateau seul. Il y a les marins qui connaissent le fonctionnement du bâtiment, les cuisiniers qui n’y comprennent pas grand-chose, mais qui peuvent très bien admirer la mer depuis le hublot, et dont le rôle est vital. Il y a le capitaine dans sa salle de contrôle, celle qui pilote et le corps intermédiaire qui peut parfois accéder aux commandes. La destination est un cap qu’on tiendra tant bien que mal, au gré des éléments, des spécificités du bateau et de l’expérience de l’équipage. Lors de cette première réunion de l’équipage MIMI, nous avons fixé notre cap : nous voguerons ensemble vers le Golfe de Gascogne, en passant par la route des modèles de simulation d’évolution de son socio-écosystème marin.

Je m’avance peut-être en affirmant que les personnes de mon groupe, les artistes (l’équivalent des cuisiniers rêvassant au hublot) n’ont pas encore saisi avec précision les mécanismes de la machinerie de ces modèles de simulation, mais je pense qu’ils et elles seraient d’accord avec moi. Il y a des poissons dans l’océan atlantique. Il y a des humains qui pêchent ces poissons à bord de petits et gros bateaux. Les poissons se déplacent et se reproduisent, mais pas tous à la même vitesse. Les humains pêchent plus certains poissons que d’autres. En observant les poissons et les humains, on peut produire des données qui seront numérisées, puis modélisées. À partir de ces modélisations, on peut représenter les fonctionnements des écosystèmes et des populations de poissons, créer des scénarios futurs pour savoir dans quel coin de l’océan il vaut mieux que les humains pêchent tel ou tel poisson.

Voilà, je crois que c’est ça un modèle de simulation d’évolution d’un socio-écosystème marin.
Si le cap de notre bateau métaphorique est fixé, il y a sur notre route des zones d’ombre, des endroits inexplorés, des questions à se poser, une place pour chacun à trouver et donc des réponses à tenter. Ces zones de flou sont essentielles à ce point de notre croisière, après tout, une métaphore tire sa puissance de la suggestion. Elle peut vite bifurquer sur des sens très différents. Si notre bateau métaphorique était un paquebot, on pourrait imaginer des passagers, qui en savent juste assez pour profiter de l’expérience, des piscines sur le pont et des salles de spectacle, si c’est un voilier, on parlera d’équipiers, si c’est un porte-avion on imagine des uniformes et une hiérarchie on ne peut plus stricte. 

Je ne sais pas encore si nous sommes dans un paquebot ou un voilier, une vedette ou un sloop, parce que je ne sais pas encore comment nous allons travailler ensemble. La métaphore est un récit en soi, qu’il faut laisser se déployer.


Marion Thomas