Je(u), set et Match


D’un côté, Marion Solange-Malenfant à l’écriture. De l’autre, Clément Pascaud à la conception, mise en scène et au jeu. Et au centre, Serena Williams, déesse de la petite balle jaune et figure ayant dépassé depuis longtemps les frontières de son sport. Pour Serena, rencontre sous forme de double mixte.

Avant ce projet, qu’évoquait pour toi Serena Williams ?

Marion Solange-Malenfant : Une figure sportive que je connaissais ; mais que je connaissais mal. Clairement, c’est Clément qui me l’a faite rencontrer.

Le tennis est un sport de mouvement. Ton écriture s’est-elle inscrite dans cette dynamique ?

Je suis partie en considérant la pièce comme un match de tennis. Dans le texte, il y a deux prologues – Entrée sur le cours et L’échauffement, deux sets à jouer et la remise des trophées. Je l’ai vraiment écrit ainsi en toute liberté.

Malgré cette liberté, avais-tu des consignes d’écriture de la part de Clément Pascaud ?

Elles étaient assez simples. C’était un solo. Je devais commencer mon récit par « Bonjour, je m’appelle Clément. » Ensuite, nous nous sommes mis d’accord pour que le début de la pièce prenne des allures de conférence pour doucement glisser vers le monde des souvenirs personnels. Pour écrire, je me suis focalisée sur deux solitudes. Celle de Clément et celle de Serena.

Lorsque l’on s’attaque à une figure populaire comme Serena Williams, ressent-on une certaine forme de pression?

Je n’avais aucun complexe face à elle. Je sentais que je pouvais écrire sur elle. Par contre, cela m’a été plus compliqué du côté de Clément. Comment écrire son autofiction sans être lui ? J’avais peur de la trahir. Puis j’ai compris que cette petite trahison amènerait la fiction nécessaire au théâtre.

Qu’as-tu appris sur Serena Williams en travaillant sur cette pièce ?

Sa manière dont elle rebondit à chaque fois. Cette force de caractère de revenir toujours plus fort. J’ai aimé creuser ses côtés les plus lose afin de ne pas me focaliser sur le rêve américain.

Et inversement, qu’as-tu appris sur Clément ?

Sa pudeur, sa joie de vivre, sa générosité… Ça m’a fait du bien de bosser pour lui.


Pourquoi cette pièce s’appelle Serena et non Serena Williams ?

Clément Pascaud : Pour une raison très simple : Serena Williams est une marque. Alors que Serena, c’est un prénom que l’on peut utiliser. Et puis, elle a su dépasser son nom de famille. Tout le monde dit Serena. Comme tout le monde dit Rafa pour Rafael Nadal. Et pour moi, c’était une évidence. Dès le début de ce projet, je l’appelle Serena.

En quoi, Serena est un modèle pour toi ?

Tout cela relève de ma passion extrême. À 12/13 ans, ce modèle m’a sauvé. En juin 2022, à un moment de ma carrière où j’étais perdu ; elle est revenue me sauver une nouvelle fois. La boucle était bouclée.

As-tu donné des consignes d’écriture à Marion ?

Lorsque l’on fait une commande d’écriture, il est impossible de donner des consignes. Enfin, je le vois ainsi. Par contre, je ne voulais pas qu’il y ait un sentiment de revanche dans le texte. Je souhaitais qu’il soit plein d’espoir. Et je ne voulais pas jouer un ado sur scène. L’action ne se déroule pas en 2002 lorsque je rencontre Serena ; mais bien aujourd’hui. Ce personnage ne pouvait être incarné que par moi. Le personnage, c’est Clément Pascaud.

De qui apprend-on le plus à l’issue de la pièce ?

C’est une question compliquée. J’avais la volonté d’un texte très subtil et que le connaisseur de tennis s’approche du mythe et prenne son pied. Serena n’est pas un faire-valoir mal géré. Du point de vue de Serena Williams, du tennis, c’est très complet. En parallèle, c’est un spectacle qui lutte contre tous les préjugés : sur les sportifs, sur Serena Williams, sur l’homosexualité… Et Marion a su faire de Serena une figure artistique.

Ressens-tu une certaine forme de pression en t’attaquant malgré tout à un tel mythe ?

Depuis un an, je ne vis que pour Serena. Forcément, je ne vais pas jouer le match avant. En tous les cas, Serena m’a réconcilié avec beaucoup de choses. Créer est un acte difficile. Il peut nous mettre dans un état de doutes. Et Serena, le mythe, a su m’apaiser, me donner confiance tout comme l’écriture de Marion.

Propos recueillis par Arnaud Bénureau en juin 2023.