Conférences-performances ?


« J’ai écrit mon Master de recherche en arts du spectacle sur la conférence-performance. J’ai réalisé qu’avant même d’expliquer ce qu’était la conférence-performance, je devais expliquer ce qu’était la performance, encore mal connue.

Pourtant elle date (au moins) des années 1960. La performance est née de l’art conceptuel, c’est un geste, au départ unique, sans répétition et sans reproduction, c’est la force de l’instant, l’art de montrer et de se montrer, de représenter et de se représenter. Aujourd’hui, elle se distingue encore du théâtre, de la danse et des arts plastiques, puisqu’elle est à la croisée des disciplines, parfois de toutes en même temps. Et parfois même à la croisée de champs non artistiques.

La performance se distingue du théâtre en abandonnant la fiction et le personnage. Cette émancipation n’est pas nouvelle, puisque dès Brecht et le théâtre post-dramatique on a vu les comédiens sortir de leur rôle, et jouer de ces allers-retours entre la pièce et la vie. Les danseurs se revendiquent de la performance en cherchant autre chose que la virtuosité, voire en osant prendre la parole. Quant aux plasticiens, la mise en jeu de leur corps, de simple présence à, pour eux aussi, la prise de parole, est performance. Et si tout le monde peut performer, alors voici venus des enseignants, chercheurs, médecins, comptables… performer leur savoir.

Qu’apporte la performance au savoir ?

Le mettre en jeu, le faire découvrir par une autre porte d’entrée. Certains jouent de la confusion entre réel et fiction, de l’ambiguïté de leur statut, comme Éric Duyckaerts qui slalomait entre sciences, art et logique mathématique. Certains saisissent l’occasion de montrer leur travail à la lumière de leur histoire personnelle. Laurent Pichaud, « artiste ou chercheur », tire sa création de sa recherche et vice versa, le chorégraphe Loïc Touzé expose dans Je suis lent sa vision de la danse à travers son parcours. L’humour en est bien souvent un outil, comme Emma la clown qui s’associe à Catherine Dolto pour illustrer ses enseignements sur la pédiatrie. Ces ponts entre les disciplines permettent d’autres ponts entre les publics, eux aussi inattendus : ceux attirés par le fond découvriront une forme artistique dont ils ne se doutaient pas de l’existence, ceux habitués au théâtre repartiront riches d’un savoir qu’ils n’étaient pas venus chercher. Quand une prof d’espagnol attire des historiens à un hold up féministe en costume médiéval, la surprise est collective.

Vous l’aurez compris,
la conférence-performance,
comme son nom l’indique,
fusionne conférence et performance.
On y met ce qu’on veut.
On en retient ce qu’on peut.

Marion Le Nevet, dramaturge et performeuse.