Alice Gautier imagine des formes d’expérimentations autour du récit qui peuvent prendre la forme d’une pièce, d’un film, d’une performance. Depuis 2013, elle contribue depuis différentes places à des projets chorégraphiques comme chorégraphe, cinéaste, regard extérieur et scénographe. Elle collabore avec d’autres artistes comme Daphné Achermann, Marion Blondeau, Eli Lecuru, Stéphane Menti, Alain Michard et Loïc Touzé. Son travail est présenté à la fois dans des centres d’art, des festivals de danse et de cinéma, des théâtres ou des lieux transdisciplinaires. Depuis 2016 elle enseigne au travers d’ateliers qui croisent pratiques de danse et pratiques de l’image.
Source: Maison MAB

Je crois profondément en la dimension émancipatrice que l’expérience de l’art peut contenir.
Quel a été le point de départ de ce spectacle ?
Souvent ce sont les rencontres avec d’autres œuvres qui nourrissent chez moi le désir de créer une forme. Ici ce sont des sources picturales, musicales et littéraires, toutes traversées par la figure du déplacement, du voyage, de la quête, que je croise entre elles et qui vont dessiner les contours d’une recherche. Ce sont des récits qui mettent en relation la pratique de l’art et celle de la marche, qui élaborent des liens entre chant et géographie, poésie et topographie. Ce sont des dérives qui parlent de lumière, de gens, d’étoiles, d’arbres, d’animaux, de perte, de mystère, de cailloux, de rencontres. Elles soutiennent et nourrissent les pensées, les actes, les langues qui s’inventent au cours du processus.
Si ce spectacle était un remède, de quoi ou de qui prendrait-il soin ?
Cette création prend également appui sur une problématique qui nous concerne collectivement, dans ce moment inédit de crise climatique. En effet aujourd’hui, il apparaît plus difficile de se projeter durablement «quelque part», de «trouver sa place», tel qu’il était possible de l’envisager jusqu’alors, au sens d’un lieu définit où il s’agirait de « s’installer ». Alors que dans le monde les géographies se précarisent, alors qu’elles se modifieront bientôt radicalement, et sans minorer la dimension tragique de cette expérience, comment trouver de la demeure dans de la dérive? Comment nourrir l’errance, le départ, de fictions plurielles, vivantes et non seulement mortifères ?
Il s’agit alors de chercher, modestement, ce que peuvent être les gestes poétiques qui permettent de trouver de l’ancrage dans le déplacement. Emporter dans son pas «demeure et dérive», alléger le déracinement pour célébrer la joie du trajet. Être tout à la fois la pierre et l’eau.
Quelles espaces de résistance permettent la fiction / l’art ?
Je crois qu’il y a différentes façon d’envisager et de s’engager dans cette question.
Et c’est aussi la pluralité des formes et des résistances qu’il faut aujourd’hui veiller à préserver, alors même que les contextes dédiés à la fabrique de l’art sont si fragilisés. Pour ma part je crois profondément en la dimension émancipatrice que l’expérience de l’art peut contenir. Au sein d’un atelier, d’un processus de création, dans la rencontre avec une pièce.
Aussi, je ne fabrique pas des formes pour tenter de convaincre, ou porter un message spécifique, là ou d’autres formes pourraient le faire. Je tente de proposer des biais poétiques pour momentanément ouvrir la possibilité d’une rencontre avec une alternative. Pour voir, penser, sentir, rêver à plusieurs. Mais je cherche pour cela à partager des récits, des gestes qui sont ouverts, polysémiques. Comment « résister » pourrait être aussi laisser de la place au paradoxe, à la complexité, au trouble, au creux.
Inventer des formes suffisamment larges, dans lesquelles chacun va pouvoir s’engager avec ses questions, son imaginaire.
Pratiquer l’art de manière éthique c’est aussi porter attention à la manière dont on travaille ; avec des équipes artistiques, des théâtres, des contextes de pédagogie… C’est s’engager avec la même exigence dans ces différents contextes, c’est travailler à des rapports déhiérarchisés avec des collaborateur·ices et des publics, c’est nourrir ces différents terrains avec nos outils, qui sont singuliers et agissants.
-> Propos recueillis en novembre 2025
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De la pierre et de l’eau
Alice Gautier – Maison MAB
Jeu. 04.12 – 19h00
Ven. 05.12 – 19h00
Sam. 06.12 – 20h30
Au Nouveau Studio Théâtre
Une ode à l’errance et aux lieux absents, portée par trois interprètes qui cousent ensemble des morceaux d’épopées modestes. Et les danses surgissent, emportant dans leurs pas appui et envol, fluidité et érosion.
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3 questions à Alice Gautier
Retour en images : FAUVES, 4e édition