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DOSSIER Interview à voir

Triangles, mathématiques et composition : l’hybridation chorégraphique selon Antoine Arbeit - Cie Ex novo

À quels endroits dirais-tu que Variability joue avec la notion d’hybridation entre arts vivants et sciences ? ​

À plusieurs endroits. Tous les éléments que l’on voit se déplier au plateau : la scénographie, la lumière et l’écriture de la danse, sont portés par des notions de géométrie et de mathématiques. La présence omniprésente du triangle en témoigne. Nous avons notamment étudié celles de Fibonacci, Conway et Syracuse, qui nous ont permis de construire le matériel à la fois scénographique et corporel et de faire émerger le mouvement de façon méthodique, à la manière d’une partition qui se déroule, dans un jeu d’aller-retour entre la suite et le corps. 

Comment composes-tu avec les données corps-espace-temps ? 

Chacune des trois interprètes s’est appropriée une suite. Il y a une donnée importante dans Variability, c’est la variable. Comment les corps vont s’approprier une matière chorégraphique et mathématique. Le corps est un médium qui doit et peut trouver de la liberté dans de la matière préexistante. Je propose une partition et s’ensuivent des allers-retours constants entre les trois interprètes au plateau, leur vécu au sein de cette construction-là et moi. Dans Variability rien ne s’installe, rien n’est statique. Il y a vraiment l’idée d’un chemin qui est tiré, développé. Chaque interprète ne réalise pas les mouvements de la même manière et quand on vient creuser cette donnée-là, elle fait émerger d’autres mouvements ou d’autres tableaux. Par exemple, au sein d’une même suite de mouvements, une interprète va avoir tendance à ralentir, et les deux autres à accélérer. On a ainsi écouté ces tendances sensibles et humaines qui ont permis de faire émerger le tableau suivant. 

Utilises-tu ces outils mathématiques pour toutes tes autres pièces ou uniquement pour Système et Variability ?

Je pars toujours d’un point de départ différent, même si pour Système (2021) et Variability (2022), il s’agit d’un point de départ scientifique, alors que dans mon parcours, je n’ai pas du tout étudié les sciences, mais plutôt la philosophie et les lettres. Des disciplines qui, de mon point de vue, se recoupent. Une question reste centrale dans mon travail : comment organise-t-on un espace-temps avec des corps ? Pour Variability, on est partis sur ces trois suites mathématiques, mais pour Système, c’est plutôt des questions de l’immensément grand qui nous ont inspirés : comment les planètes s’organisent entre elles ? Quelles forces sont en présence ? Dans Système, on rentre dans une matrice et on accumule de la matière. Toute l’écriture de cette pièce-là s’est écrite avec des tableaux Excel en rentrant des numéros de modules dans des cases, comme un jeu d’apparition des gestes qui réagirait à un algorithme. C’est une méthode qui passe par l’écrit pour faire émerger quelque chose au plateau, pour créer de la matière générative qu’ensuite chacun et chacune s’approprie. 

Quelles hybridations l’espace de la scène permet-il ? 

L’espace de la scène est un espace neutre qui permet tous les croisements possibles. L’espace de la scène est un tout, un corps à lui tout seul, mais aussi une extension de nous-mêmes. Le mot d’hybridations, je l’entends comme la somme des possibilités de transformations et de voyage de notre imaginaire, mais aussi celles d’un corps étendu, réinventé.