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Portrait à voir

Qui es-TU Louise Emö ?

Portrait d'une création

"Le théâtre est un endroit d’intensification du présent, une manière d’être ensemble hyper fort. "

Eminem, Loana, Britney Spears, 2Pac, Diam’s, Zinédine Zidane…Au fil de ses créations, Louise Emö ne cesse de convoquer des figures pop au plateau. "La question de la référence me fascine, explique la jeune femme depuis Arles où elle "procrastine un peu" avant de rejoindre Paris. "Toutes ces figures portent en elles la notion du masque. Pour autant, je remarque aussi l’impasse de cela. Il n’est jamais facile de trouver une logique entre chaque figure." En effet, dans son travail, où la parole, les mots, le verbe, la musicalité, le flow sont omniprésents et au centre de ses préoccupations artistiques, Louise Emö ne se contente pas de faire l’appel des résidents de la république pop. Non. Cela serait trop simple. Le name-dropping n’a de sens que si - et seulement si - l’exercice permet d’aller voir ailleurs. Et du pays, à 33 ans, elle en a déjà vu. Pour preuve, son parcours donnant le tournis devant la richesse des expériences. Pêle-mêle, en speed et bien évidemment de manière non exhaustive : hypokhâgne, khâgne, ghostwriter, première partie du groupe de musique Cabadzi, traductrice-rédactrice pour l’UNICEF New York, traductrice technique pour Dubbing Brothers, les boss planétaire du doublage, titulaire d’un master écriture et mise en scène, direction d’acteurs…

Avec Sauts de l’ange, Louise Emö plonge, corps et âme, dans cet "hommage polyphonique" à sa grand-mère Monique.
"Le point de départ de cette pièce est un questionnement sur le suicide. Comment faire pour en parler ?". Ou comment faire pour essayer de se remettre du suicide brutal et violent de cette grand-mère partie sans un mot, sans une lettre à l’aube des années 2000. " Sauts de l'ange est à la fois un hommage et la recherche de l’élucidation de ce mystère autour de la lettre manquante. Pourquoi la transmission s’est subitement interrompue ?". 

Car si Louise Emö en est là aujourd’hui, Monique n’y est pas étrangère. "Ma grand-mère me parlait anglais. Elle m’amenait au théâtre. Après, je pense m’être construit un faux souvenir en racontant qu’elle m’a fait rencontrer le théâtre en m’amenant enfant à la Comédie-Française assister à une représentation du Cid. Je dois un peu squeezer ma mère avec cette anecdote." Qu’importe le vrai du faux. Notre ambition n’est absolument pas de le démêler. Au contraire, nous fonçons, tête la première, dans son travail où la parole est reine. "Dans la vie de tous les jours, je pense que la parole n’est pas souvent respectée. Alors que sur le plateau, il y a une sacralité de la parole au long cours. C’est un gage de sécurité." Comme le théâtre qui, pour Louise Emö, est "un refuge". "Je m’y sens en sécurité, à l’abri. Le théâtre est un endroit d’intensification du présent, une manière d’être ensemble hyper fort." Chez elle, la puissance est partout. Sans même avoir vu un de ses spectacle, sons, interviews, vidéos irriguant le site internet de sa compagnie La Parole au Centre provoquent, bien avant le passage sur la scène, un sentiment de force évident. On rit. On sourit. On se questionne. Le flow est enivrant. D’ailleurs, la bande-annonce de Mal de crâne, sa précédente création chorale où se croisaient dans un même élan Hamlet et Eminem, évoque la punchline ultime de Shakespeare. Aujourd’hui, sans prévenir, en guise de conclusion de cette conversation, nous interrogeons de nouveau Louise Emö à ce sujet. "Oui, carrément. Être ou ne pas être est toujours une putain de question prise de tête !"

Texte : Arnaud Bénureau