Levée des couleurs
Interview nouvelle scène
AmieAmi - Pauline Bigot et Steven Hervouet - et Laurent Cebe font scène commune afin de présenter respectivement La Reverdie, double mixte en couleur et en danse autour du vivant avec un grand V, et MOCHE 02, second chapitre d’une création au long cours où le chorégraphe invite des danseur·euses à questionner leur imaginaire. Discussion autour de la planète danse et de ses satellites plastiques et graphiques.
Pouvez-vous nous présenter La Reverdie ?
Pauline Ce mot existe. Il exprime un courant poétique du Moyen-âge célébrant le printemps, la reprise de l’activité humaine, animale, végétale. Nous pensons notre duo comme une fable traversée par deux personnages aux identités multiples, à la peau peinte en bleu ou en jaune qui vont faire l’expérience de la rencontre. Avec La Reverdie, nous souhaitions clairement parler de l’altérité et des interdépendances entre les vivants.
Le projet MOCHE est également une histoire de rencontres entre un chorégraphe et six interprètes dans le cadre d’une création s’inscrivant sur un temps long...
Laurent En effet, MOCHE est la création de 6 soli puis une création collective en 2024. Le choix de ces danseurs et danseuses s’appuie sur des rencontres, des envies de découvrir des personnes, des fidélités et sur mon envie de prolonger un travail que je mène autour de la question du danseur qui, sur le plateau au moment de la représentation, s’inscrit dans un processus de partage le plus sincère et le plus simple possible avec les spectateurs. J’articule donc toute ma démarche sur l’imagination du danseur comme une technique s’apprenant, qui doit s'apprendre. Depuis quelques années, j’ai découvert que la pratique du dessin permettait de préciser l’imaginaire du danseur. Pour chaque solo de MOCHE, chaque danseur·euse réalise un dessin qui incarne sa partition intime.
« Nous créons un nuancier de la rencontre qui se forme devant les yeux des spectateur·ices. » → Pauline Bigot
Une des particularités de vos spectacles est de pouvoir être joué dans des espaces dédiés à la danse comme dans des endroits quine le sont pas...
Pauline La Reverdie est la première création d’AmieAmi. Pensée dans un contexte de pandémie, la forme se devait d’être très légère afin de s’adapter à plusieurs espaces et contextes de rencontres avec le public, pour continuer de vivre des expériences artistiques ensemble, malgré la distanciation des corps. Puis, au-delà de cet aspect technique, il s’agit aussi d’un désir profond de notre part de proposer des formes venant poétiser des lieux de passages, des endroits où l’on ne se rencontre pas forcément. Et à chaque nouveau lieu, nous réadaptons la forme. Ainsi, au Musée d’arts de Nantes, La Reverdie est devenue une déambulation afin d’éveiller la curiosité des visiteurs et pas seulement celle des spectateurs. Pour le festival Artdanthé, nous avons joué dans un parking, en nous situant très proches des spectateurs. Au TU, nous allons à nouveau pouvoir proposer cette proximité avec le public qui est essentielle et partager une version de la pièce plus complète augmentée d'une création lumière.
Laurent Aujourd’hui, la façon dont évolue notre métier nous invite à créer des formes susceptibles de s’adapter à tout type de lieux. Au-delà de toucher d’autres publics, cela me permet d’aller encore plus loin dans ma recherche esthétique et notamment de questionner encore davantage la désacralisation des rapports. Et cela rejoint mon envie de vouloir m’adresser à d’autres personnes que celles de la danse. MOCHE 02–Elvira Madrigal a été accueilli en résidence à [K]Rabo, un tiers-lieu culturel en milieu rural normand. Comme pour chaque segment de MOCHE, nous passons deux semaines dans le lieu. Comment crée-t-on lorsque nous faisons partie d’un lieu ? Le [K]Rabo, c’est une supérette, un bar. Nous y avons vécu, travaillé, cherché... Au moment de la première représentation, j’étais impressionné de présenter MOCHE 02 devant tous ces gens que nous avions côtoyés pendant dix jours. Une vraie rencontre a opéré.
« MOCHE est une célébration mais une célébration banale. » → Laurent Cebe
Même si vous l’amenez évidemment ailleurs, La Reverdie célèbre le printemps. Que célèbrerait alors le projet MOCHE ?
Laurent Mon utopie est de faire en sorte que quelque chose se produise entre celui regarde et celui qui danse. Je cherche un spectacle qui soit le plus normal possible, avec ses accidents volontaires, ses énormes fragilités. Alors oui, cela reste une célébration ; mais une célébration banale.