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Interview à voir

Léa Rault et Alina Bilokon : vivantes, assurément

Interview

Même légèrement caché derrière un anglicisme accessible à tout LV1 Anglais – Life Insurances – il faut être sacrément gonflées pour articuler un spectacle autour de la nébuleuse des assurances vie. Tel est pourtant le pari du double-dames composé des chorégraphes Léa Rault et Alina Bilokon. Life Insurances, présenté dans le cadre du festival Trajectoires, voit bien au-delà des alinéas écrits en tout petit caractère et se projette vers de nouveaux horizons, loin du tout contrôle. 

En quoi les assurances vie sont-elles solubles dans la danse ? 

Telle est la spécificité de notre travail : toujours partir d’une thématique qui nous intéresse dans la vie en général. La thématique des assurances vie aurait pu conduire vers du théâtre, vers un roman… Mais nous sommes chorégraphes. Alors comment s’en saisir dans notre danse ? La réponse à cette question prend la forme d’un processus assez long. Nous collectons beaucoup d’exemples. Puis, cette inspiration donne l’envie d’un texte, d’une musique, d’un corps. Et, petit à petit, nous finissons par trouver le coeur qui sera ensuite porté au plateau. 

Justement, quel est le coeur de Life Insurances

Il y a tant de choses autour de cette thématique que nous nous refusions à tomber dans le catalogue, le tutoriel, le démonstratif. Si nous regardons au-delà de la thématique, nous allons à la rencontre de ces petits rituels du quotidien qui laissent notre cerveau tranquille. Ces protocoles que nous traversons au quotidien ; nous avons souhaité les décrypter pour ensuite les installer au plateau. De la pré-conception jusqu’à la mort, Life Insurances est un time-lapse de chaque étape de notre vie. L’idée de cette pièce est née en 2017. 

Votre travail de recherche s’inscrit dans la durée. Pourquoi privilégiez-vous le temps long ? 

La covid nous a permis de réfléchir à cela en profondeur. Et nous assumons clairement cette envie du temps long, de l’hédonisme. Avant, nous le vivions mal car nous étions en face d’un rouleau-compresseur culturel soucieux que tout se passe vite et maintenant. Avec la covid, le système s’est mis à ralentir et cela a été très productif pour nous. D’un coup, le système s’adaptait à notre rythme. 

Cela a-t-il joué sur les enjeux de Life Insurances ? 

Cette création a été perturbante. Nous étions en pleine phase de recherche lorsqu’Emmanuel Macron a annoncé un confinement total. Avec Life Insurances, nous voulons mettre en évidence l’absurdité de ces normes de sécurité qui sont présentes partout, tout le temps et nous nous concentrons sur notre propre conscience de notre propre mort, cette angoisse très primaire. Life Insurances s’attaque donc aux fictions que nous mettons en place au quotidien pour échapper à cette notion de mort. 

Malgré votre discours, Life Insurances a un réel potentiel comique… 

Il était évident que nous allions traiter ce sujet sur le ton de l’absurde. Avec le tragique et le poétique, l’absurde participe à l’écriture de l’ensemble de nos pièces. Nous souhaitons que le spectateur ait conscience que très vite, la pièce peut basculer. Car notre duo, c’est une vie d’amitié, de danse. Tout cela se superpose au plateau. Nous répétons des semaines, des mois pour que ça se passe bien le jour J. Mais allons-nous aller au bout ? Sommes-nous en forme ? Avons-nous fait la fête la veille ? Nos vies intimes et nos vies de performeuses sont indissociables sur scène. 

Propos recueillis par Arnaud Bénureau.