« Je développe des hypothèses qu’un scientifique n’avancerait pas, et pour autant, ces hypothèses ne valent pas rien. » Sofia Teillet - L’Amicale
À quels endroits dirais-tu que De la sexualité des Orchidées joue avec cette notion d’hybridation ?
Dans ma démarche. J’ai travaillé à partir de matières scientifiques tirées d’articles et de livres théoriques. L’enjeu était de rendre cette matière, cette science – qui ne se pose pas du tout la question de sa forme – théâtrale. Ma recherche a eu des conséquences sur l’écriture du spectacle, qui s’est déroulée sur plusieurs années, comme une recherche scientifique qui prend son temps, là où l’écriture théâtrale est habituellement sur un format plus court. Le temps des années est incompressible. C’est tout le savoir que j’ai acquis dans cette durée qui fait le spectacle. Le processus même de l’écriture est hybride, il n’est pas uniquement théâtral.
Comment à partir de cette recherche, as-tu trouvé la forme De la sexualité des Orchidées ? Est-ce une conférence qui est devenue un spectacle ?
L’envie initiale était de travailler la forme théâtre-conférence. Je ne pensais pas faire un spectacle. Tout a commencé par une formation sur la conférence théâtrale, parce que cet exercice me semblait répondre à des choses que j’avais envie de travailler en tant que comédienne à ce moment-là : être seule au plateau et être en improvisation avec une adresse public radicale et constante. Pour cette formation, j’ai dû choisir un sujet, un objet d’études, et j’ai pensé à la reproduction végétale sans avoir pour autant de connaissance sur le sujet. L’écriture s’est faite dans des allers-retours de recherche et d’expérimentation.
Quels étaient les codes de la conférence théâtrale que tu as appris durant cette formation et comment te les aies-tu appropriés au fil du temps ?
Tout de suite, je pense à deux codes qui touchent à l’accessoire : l’utilisation d’un power-point et d’un paperboard. Un autre code, celui-là formel, consiste à faire une introduction en posant une problématique, pour trouver un point d’accroche. L’idée que je délivre un savoir n’est pas l’enjeu premier d’une pièce de théâtre : ce qui fait que c’est un spectacle et non une simple conférence, c’est la présence d’un point de vue. C’est moi qui parle, là où la science se veut neutre ou objective. Dans la pièce, je juge des orchidées, j’ai un avis sur leur façon de faire, je développe des hypothèses qu’un scientifique n’avancerait pas, et pour autant, ces hypothèses ne valent pas rien. Le théâtre devient, de mon point de vue, un outil de transmission.
Comment hybrides-tu les éléments scientifiques et ton propre point de vue ?
Ce spectacle naît de mon émerveillement pour le végétal. J’ai été éblouie par toutes les choses que j’ai apprises sur l’orchidée. Je n’avais jamais imaginé que ce végétal était si actif, lié à tant de récits. Mes recherches ont pris le sens de mon émerveillement et de mon intérêt. L’orchidée me racontait des choses sur les humains, les histoires d’amour, l’économie qui me faisaient écho directement. J’étais fascinée de trouver du lien entre moi et quelque chose qui a priori représentait l’altérité absolue.