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Interview à penser

Garance Rivoal et Alice May / Plateau K

En créations !

Comment naît l’idée d’un spectacle ? D’où vient sa nécessité ? Et pourquoi créer un spectacle aujourd’hui ? Rencontre avec Garance Rivoal et Alice May, metteuses en scène.

Quels sont les points de départ de ce spectacle  ? Comment naît le désir de création ?
Garance Rivoal : Au fur et à mesure que le projet de compagnie s’affine, s’invente avec le retour d’expérience, il semble que la nécessité de créer les projets naît à partir à partir de questionnements, d’endroits de dilemme, d’intranquillité.  Que pouvons-nous faire face à une certaine réalité avec laquelle nous sommes en désaccord ?
 
Comment se déroule le travail de création ? Quel est votre processus ? Qu’est ce qui se transforme pendant ce temps ?
Alice et moi venons du plateau, nous y sommes toutes les deux arrivées par le jeu. Avec le temps je réalise pour ma part que je me sens au bon endroit lorsque j’écris et mets en scène. Notre projet de compagnie était à la base de s’échanger la casquette de metteure en scène et d’actrice selon les projets mais ce que nous inventons avec ce projet, « Le réflexe de Moro », va bien plus loin. Nous créons maintenant ensemble, chacune aux postes dans lesquels nous nous épanouissons le plus et pour lesquelles notre sensibilité est la plus exacerbée.
Ici nous sommes parties d’une idée originale d’Alice qui a construit tout l’univers du spectacle, ses personnages, son histoire, son point de vue sur le monde. Au fil d’intenses discussions et séances de travail je m’en suis emparée pour la mettre en dialogues et lui donner vie. Je suis au service du projet d’Alice mais je donne le plus sensible de moi-même pour le porter à son meilleur endroit.

Combien de temps avez-vous besoin pour créer un spectacle ?
Chaque projet impose sa temporalité. La bonne temporalité me paraît être celle qui découle d’une écoute des structures culturelles pour le processus artistique des créatrices de spectacles. L’écoute qui assure des échéances mais laisse aux créatrices la liberté, au gré de la recherche et de l’inspiration, de repenser leurs spectacles jusqu’au bout. Que ce dernier reste une matière vivante, qui ne répond pas à un programme fixé en amont.
La bonne temporalité c’est aussi d’assurer le soutien et les moyens aux artistes lorsque le désir d’un projet naît et de ne pas devoir attendre plusieurs années pour réunir les conditions financières adéquates pour le monter, au risque d’épuiser le désir ou la nécessité de lui donner vie.

Quelle définition avez vous du spectacle ? Quels sont les enjeux pour vous de la création contemporaine ?
Grande question que celle des enjeux… Il est compliqué d’y répondre à une seule voix.
 
Quel est votre moteur ? Ce que vous préférez dans votre métier ?
Mon moteur ce sont les questions. Les contradictions qu’elles révèlent.
La contradiction est un conflit, un conflit implique un mouvement de va et vient, le mouvement maintient en vie. Et au bout du processus, les contradictions donnent vie à des personnages dans le corps de comédien.nes d’une manière que je trouve bouleversante.

Pourquoi aller voir un spectacle aujourd’hui ?
La représentation théâtrale est pour moi le lieu de l’empathie. À la différence du cinéma, l’histoire qui nous est racontée sur un plateau de théâtre l’est avec des vraies personnes, des personnes en chair et en os. La présence des comédien.nes n’est pas hiérarchiser au dessus du travail des créateurs scénographique, son et lumière mais s’il n’y a pas de trouble lié aux corps réels des comédien.nes, si le spectateur n’est pas touché à l’endroit de l’intime, alors à quoi bon ? Notre temps est compté, chaque instant doit être productif, chaque relation doit montrer son utilité. Et voilà que le théâtre peut se poser là, avec aucune autre intention que de réveiller nos sensations, nos émotions émoussées. Et c’est énorme. Dans mon spectacle « Les nécessaires », un personnage dit « il faut apprendre à modérer un peu ton empathie ». Moi je vais au théâtre pour exacerber mon empathie.

Quel est votre premier souvenir de spectateur ?
J’ai grandi dans une famille de « théâtreux » alors je n’ai pas de premier souvenir de théâtre. Je croyais que tout était théâtre, je ne faisais pas toujours de distinction. À Paris je vois des gens travailler dans le métro et je demande à ma mère ce qu’ils font, elle me répond « ils travaillent » et moi je m’interroge « ils font du théâtre ?? » . Je ne comprenais pas que certaines personnes puissent faire un métier qu’ils aiment et pas d’autres, cela reste encore aujourd’hui une question qui me fait des nœuds de cerveau… Je raconte cette anecdote comme un premier souvenir de spectatrice des situations spectaculaires et des rôles assignés aux gens dans la vraie vie.


Propos recueillis en juin 2020
Le Réflexe de Moro, création en fév. 2021 au TU

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