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Bibliothèque des créations à voir

#9 Basile Yawanké I Compagnie Éclat des os

Bibliothèque des créations

Les artistes en résidence au TU partagent leurs questionnements sur leur travail en cours et quelques images de leur carnet de bord au quotidien. 

#9 Basile Yawanké I Compagnie Éclat des os I Résidence pour Les enfants hiboux du 14 au 29 juin au TU 

Quels sont les points de départ de ce spectacle ? Le point de départ de ce spectacle se situe en 2014 : je participais à un festival à Ouagadougou et lors d’un stage en scénographie on est descendu dans la rue et j’ai été confronté pour la première fois aux enfants de rue. Ils pratiquaient des aumônes d’une manière agressive et ça m’a interpellé : je connaissais le phénomène mais je ne l’avais jamais vu. J’ai commencé à me poser des questions sur eux : pourquoi est-ce qu’ils sont là, où sont leurs parents, quel avenir pour eux, quel rapport entretiennent-ils avec leur environnement, et aussi quelle réponse politique apporter à ce phénomène. J’avais commencé à écrire comme ça, sans avoir d’objectif précis de mise en scène. La première phase d’écriture n’avait pas vraiment de rapport avec ce que la création est devenue. J’ai ensuite rencontré un pote qui est psychologue au Samusocial de Pointe-Noire qui faisait sa thèse sur les enfants de rue accusés de sorcellerie au Congo. J’ai été mis face à ma propre ignorance parce que je ne connaissais pas ce phénomène et j’ai été bouleversé par quelques-unes de ses histoires. Je lui ai demandé si je pouvais m’en servir pour faire un outil théâtral. Le départ de la création de l’écriture dramatique est donc né comme ça. Je suis allé ensuite en résidence pour écrire et lorsque j’ai été content du texte j’ai eu envie de faire porter les voix singulières de ces enfants qu’on n’entend pas souvent sur scène. 

Comment se déroule le processus de création ? D’abord je réfléchi aux thématiques qui me tiennent à cœur, et je tombe amoureux d’un texte qui me parle. Pour moi, l’essentiel quand je mets en scène un texte est qu’il me parle, que ça me touche, car j’ai envie de parler de ce qui me touche. Je décide ensuite de partir de cet endroit et de le porter à la scène. Après ça se met en place : quand le texte est fini on entre en production, on essaye de mettre en place les moyens pour que ça puisse se faire...

De combien de temps avez-vous besoin pour écrire un spectacle ? C’est très varié ! Pour moi un texte n’est jamais fini jusqu’à son édition. Il faut prendre le temps qu’il faut par rapport au temps dont on dispose. Pour écrire Les enfants hiboux, j’ai été en résidence trois mois et ce n’est pas fini. Je continue toujours ensuite à triturer mes textes donc ce n’est jamais défini. Je ne prends jamais le même temps pour écrire un spectacle. Ça dépend aussi du volume du texte de départ, si je décide de faire un spectacle d’une heure ça peut aller beaucoup plus vite.

Quelle est votre définition du spectacle ? La définition que je peux faire du spectacle, c’est quand on part du sensible pour l’amener au public. Je parlais tout à l’heure de ce qui m'émeut quand je décide de travailler sur un texte ou de mettre en scène. Je décide de partir de cette émotion pour la faire entendre autrement en utilisant le corps, les intentions… pour créer une magie pour que le public puisse être touché aussi. J’ai envie de toucher le public quand je crée un spectacle. 

Pour vous, quels sont les enjeux de la création contemporaine ? Un traitement des problèmes actuels qui touchent l’humain. Je me situe dans cette recherche avec ma compagnie : parler des problématiques humaines d'aujourd'hui, que ce soit ici en France ou dans un autre pays. Je pars du principe que les problèmes qu’il y a dans un endroit ne sont pas extérieurs aux autres espaces. On parle de la globalisation, avec les outils numériques le monde devient un village planétaire. Ce qu’on compose ici peut avoir des effets ailleurs et inversement.

Qu’est-ce que vous préférez dans votre métier ? Votre source de motivation ? C’est être avec les gens. Créer une atmosphère pour être avec les comédiens, les créateurs, échanger avec eux pour pouvoir mettre en place des choses et aboutir à quelque chose qui va être vu. Je considère que créer un spectacle, c’est aussi créer un petit monde, c’est pourquoi j’adore la rencontre et l’échange avec les gens. 

Quel est votre premier souvenir de spectacle ? Je ne me rappelle plus du titre mais je sais que c’est un spectacle que j’ai vu au primaire. Je crois que c’est ce qui a déterminé plus tard mon métier. C’était un spectacle fait par des élèves, et mon meilleur ami jouait dans ce spectacle là. J’avais adoré le spectacle et son interprétation : il jouait le rôle de quelqu’un qui arrivait dans un village et qui bousculait les mœurs. Le spectacle avait eu lieu pendant une manifestation culturelle organisée par les établissements scolaires, et pendant les vacances, j’apprends malheureusement que mon meilleur ami est mort. Ça m’a beaucoup marqué. Je pense que cela a aussi beaucoup joué dans la volonté de devenir artiste et comédien / metteur en scène.

Propos recueillis en juin 2021