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Interview à voir

3 questions à Julie Berès

Interview

Julie Berès est metteuse en scène. Elle conçoit chaque spectacle comme un « voyage onirique » où se mêlent éléments de réalité (qui peuvent être apportés par des textes, ainsi que par une collecte de témoignages) et imaginaire poétique. Les images scéniques qui résultent d’une écriture de plateau polyphonique (textes, sons et musiques, vidéo, scénographies transformables) construisent un canevas dramaturgique qui met en jeu la perception des spectateur·ices, en créant un environnement propice à la rêverie (parfois amusée) autant qu’à la réflexion. 

Quels imaginaires traversent ton spectacle, La Tendresse

Avec La Tendresse, je m’étais fixé l’objectif de traduire sous forme de témoignages l’imaginaire collectif sur lequel se fondent les multiples injonctions souvent inconscientes auxquelles sont soumis les hommes dans leur parcours de vie. Notre perception normée de la masculinité est inhérente à un héritage complexe, qui s’est construit et entretenu de manière immuable sur un idéal de force, de puissance, de virilité. L’identité de l’homme reste marquée par des codes précis reproduits de manière quasi automatique de génération en génération, avec une faible conscience de leur fondement, de leur existence, de leur manière de déterminer notre système de valeurs et nos actions. Pourtant, la définition du masculin se brouille de manière accélérée notamment depuis #metoo. Cette situation laisse apparaître des attentes contradictoires particulièrement déstabilisantes pour une génération d’hommes dont l’identité était fondée sur un idéal guerrier de domination. Les références contemporaines laissent désormais apparaître de nouvelles valeurs en opposition avec les précédentes. L’injonction persistante à la force se mêle à une demande de fragilité, de respect, d’écoute, d’expression de ses sentiments et d’humilité. La Tendresse tente d’analyser cet entremêlement complexe d’imaginaires. 

Qu’est-ce qui te rend puissante ? 

La sensation de puissance traduit selon moi la pleine conscience de ses convictions personnelles. Elle intervient dans ces moments de vie où je ressens l’impression d’être en totale adéquation avec moi-même, d’être pleinement à ma place. Pour ma part, la poursuite d’un objectif de création artistique me rend puissante parce qu’elle me fait puiser en moi des ressources sans cesse renouvelées. En donnant vie à un projet, je suis intimement à l’écoute de mes idées, de mes inspirations. J’ai la conscience d’avancer vers un aboutissement concret en me laissant porter par l’évolution de mes propres pensées. 

Qu’est-ce que tu aimerais que les spectateur·ices emportent avec elleux après la représentation ? 

Je souhaite que les spectateur·ices aient la sensation d’avoir leur place au sein de la réflexion collective qui se mène au cours de la représentation. Je veux faire de La Tendresse un espace de partage d’expériences permettant à chaque spectateur de créer des liens avec son vécu et ses réflexions personnelles. Elle offre l’occasion de se questionner sur l’autre, sur ses besoins et ses incertitudes. Elle questionne la puissance, la force, la capacité d’agir sur sa propre existence et celle des autres.